Retrouvez tous les premiers mercredis du mois, l’interview d’un photographe. Il est important de s’instruire, de regarder ce que font les autres, leurs créations, leurs inspirations, leur travail, mais aussi leur personnalité et leur approche photographique. Passion Photo est une série d’interviews de photographes confirmés dont j’admire le travail et qui m’inspire au quotidien.
Aujourd’hui, j’ai le très grand plaisir d’accueillir Sarah Tailleur sur mon blog. Une photographe Portraitiste très talentueuse mais également auteur du livre intitulé Être Photographe Portraitiste. C’est d’ailleurs grâce à cet ouvrage que j’ai découvert Sarah.
Elle y présente en détails toutes les composantes du métier de photographe portraitiste de particulier.
Bonjour Sarah, un grand merci d’avoir accepté cette interview. Je suis vraiment ravi et honoré de t’accueillir sur mon blog !
Je t’ai découvert par le biais de ton livre “Être photographe portraitiste” qui m’a permis de faire des choix stratégiques importants notamment en terme Marketing et Organisationnel.
Mais, pour celles et ceux qui te découvrent aujourd’hui, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Sarah Tailleur :
Évidemment ! Très heureuse de pouvoir participer à ce projet. Je suis photographe professionnelle spécialisée en photographie de maternité et de famille dans la région de Québec, au Canada.
Je pratique en studio, mais aussi à domicile et à l’extérieur. Ça fait un peu plus de 8 ans que je suis à mon compte et une dizaine d’années que je fais de la photo. Je suis aussi l’auteure d’un blog sur ma vie de photographe, ainsi que de mon livre «Être photographe portraitiste» comme tu le mentionnes.
Je suis diplômée en graphisme et en arts visuels/design graphique. Je viens donc d’un parcours un peu autodidacte puisque je n’ai pas de diplôme en photographie, mais dans des domaines connexes. Ce détour m’a permis d’en connaître beaucoup plus sur l’aspect communication/marketing. À titre personnel, j’ai présentement 28 ans, je suis mariée, avec le même homme depuis onze ans et maman de deux enfants.
Ce livre nous permet de comprendre les coulisses du métier de photographe portraitiste. Tu y parles Entrepreneuriat, Marketing, Relations Client, Réalisation d’une séance photo et bien d’autres thèmes nous permettant d’avoir une vision bien plus précise des différentes facettes de ce métier.
L’écriture d’un tel ouvrage représente, à n’en pas douter, un challenge et un projet très ambitieux.
Comment a-t-il vu le jour ?
Sarah Tailleur:
En fait, c’est la maison d’édition Eyrolles qui m’a contacté puisqu’une personne qui y travaillait suivait mon blog depuis quelque temps et trouvait le contenu intéressant. Je dois avouer que je trouvais le tout assez étrange au départ.
Quelqu’un de France qui me contacte pour publier un livre, alors que je suis de l’autre côté de l’Océan. J’ai cru à un canular et j’étais sur la défensive. Puis, en faisant des recherches sur le groupe Eyrolles, j’ai bien vu que c’était du sérieux.
Au départ, le projet envisagé était beaucoup plus technique, un livre sans photo, très froid. Ça ne m’intéressait pas. Je voulais créer un livre unique, une ressource colorée et à mon image. Projet qu’Eyrolles a accepté. En photographie, il y a des tonnes de livres techniques ou de livres qui ressemblent à des portfolios. Je voulais écrire une œuvre qui aiderait plutôt les photographes à aller chercher de l’expérience, pas comment utiliser un appareil photo.
Ce qu’on ne dit pas en formation et qui n’a rien à voir avec la technique. J’ai donc ciblé des sujets autour du développement de l’activité photographique, car je réalisais que beaucoup de photographes qui étudiaient en photographie ou sortaient de l’école m’écrivaient des courriels avec des questions récurrentes. En écrivant ce livre, ça me permet aussi de recommander mon livre plutôt que de prendre plusieurs heures chaque semaine pour répondre aux questions des photographes qui débutent.
Pas que je n’aime pas leur répondre, mais plus qu’avec une entreprise et deux enfants, je manquais de temps ! D’ailleurs, suite à la première édition du livre, j’ai publié une deuxième édition pour répondre aux nouvelles questions qui m’ont été soumises.
Comme je l’ai dit, ton livre parle du métier de photographe portraitiste de particuliers. Il y a notamment beaucoup d’illustrations de femmes enceintes, de bébés, d’enfants, de famille tout au long de l’ouvrage. C’est également ce qu’on peut voir sur ton site web, une place importante est donnée à ces photos “Autour de l’enfance”.
Pourquoi aimes-tu autant cette pratique photographique au point d’en avoir fait ton métier?
Sarah Tailleur :
J’adore la naïveté et l’innocence des enfants !
Ils sont plus difficiles à photographier que les adultes, mais aussi beaucoup plus naturels. Construire dans leur univers permet plus de créativité et une approche plus ludique. Avec les enfants, c’est simple !
Ça ne se soucie pas de s’ils ont un double menton ou s’ils sont bien habillés pour leurs photos. Je peux m’évader, rire, sauter, jouer et travailler par le fait même. Ce n’est pas une tâche de faire rire avec un enfant, c’est du bonheur. Avant même d’être maman, j’étais déjà très à l’aise avec les touts petits. C’est aussi rapidement un point qui m’a démarqué de la concurrence. Les gens revenaient me voir en disant qu’ils avaient tenté d’autres photographes, mais que personne ne faisait rire leurs enfants comme je pouvais le faire.
C’est très gratifiant de construire ce type de relation. De voir des bébés naître et grandir. Je trouvais aussi que d’immortaliser la vie avait plus de sens que le reste. J’aimais la photographie de mode, mais à long terme, j’y voyais moins d’avenir et de sens. Accueillir un petit bonhomme qui m’apporte un dessin, pour moi, ça rendait la pratique supérieure.
Tu parles, tout au long du livre, de créativité, d’innovation pour réussir à surprendre le client, à se démarquer des autres. Et, je ne peux qu’être d’accord.
Mais, justement, comment entretiens-tu ta créativité, ton inspiration ?
Sarah Tailleur :
Je m’inspire beaucoup de mes clients. Je suis très à l’écoute de leurs besoins et dès qu’une demande semble existante, je crée autour de celle-ci. Souvent, avant même que ce soit populaire.
Par exemple, j’ai été une des premières de ma région à offrir le service d’annonce de grossesse en photo. Je crée un concept personnalisé pour mes clients, pas une idée trouvée sur Pinterest !
De plus, j’ai un cerveau particulièrement actif. Probablement mon côté anxieux, mais je dois noter toutes mes idées. Je me réveille parfois la nuit pour avoir des idées. Surtout, le plus important, il faut trouver l’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle. Quand on travaille trop, qu’on ne fait plus rien, on devient moins créatif. La créativité, elle ne pousse pas à travers une semaine de 60 heures.
Elle vient plutôt des voyages, de l’art qu’on observe, des sorties et des échanges. C’est important de rester au courant des tendances actuelles.
Une dernière question sur ton livre. Il apporte énormément de plus-value aux lecteurs et je pense que tout le monde en est maintenant convaincu.
Mais, qu’est-ce que l’écriture de ce livre t’a apporté personnellement voire professionnellement? Quelle est ta plus grande satisfaction ?
Sarah Tailleur :
J’ai toujours adoré écrire. Même adolescente, j’écrivais énormément sur mes états d’âme, mes amours ou ma vision de la vie. Écrire me détend beaucoup.
Professionnellement, l’écriture de mon blog a permis à ma clientèle d’entretenir un lien de confiance, et même amical. Plusieurs personnes me rencontrent en me disant qu’ils ont l’impression de déjà me connaître à cause de mes articles. En tant que photographe, ça me facilite la vie quand les clients arrivent déjà détendus et en terrain connu.
Pour le projet du livre, je dois le dire, on n’écrit pas un livre pour l’argent. Ceux qui le pensent seraient bien déçus de constater le temps investi dans ce projet. L’écriture était plutôt un accomplissement, un genre de lègue au domaine de la photographie. Une œuvre concrète qui aidera le métier à progresser et à évoluer alors qu’il est tellement précaire. Il m’a certainement ouvert des portes quant aux formations et aux services de coaching photo, mais c’est principalement une fierté pour moi.
Une question toute simple. Que contient ton sac photo ?
Sarah Tailleur :
Ça dépend. Où est-ce que je vais avec !? Haha !
D’abord, l’essentiel, dans une petite poche, du Purell, quelques bonbons, des mouchoirs et des menthes. L’air de rien, en shoot, on doit sentir bon de la bouche et en travaillant avec les enfants, il n’est pas rare que j’essuie un nez. D’où le mouchoir et le Purell. Des bonbons aident à la bonne collaboration des petits modèles.
Sinon, plus concrètement un Canon 5D Mark III. Si je prends mon sac photo, c’est probablement que je pars dehors puisqu’en studio, je n’en ai pas besoin.
Alors, pour l’extérieur, j’ai sans doute un Sigma Art 35 mm 1.4 et un Canon 70-200 2.8 IS. Des batteries de rechange pour la forme et c’est pas mal tout. Je voyage léger ! Quoique ces deux objectifs ne sont pas particulièrement légers.
Et, si tu ne devais prendre avec toi qu’un seul objectif à mettre sur ton boîtier. Lequel aurait ta préférence ? Et, pourquoi ?
Sarah Tailleur :
Difficile à dire, en studio, j’utilise presque 99% du temps un Canon 24-105 F4. Par contre, je ne veux absolument pas de cet objectif dehors. Il n’est pas assez lumineux !
En fait, je l’utilise jamais ailleurs qu’en studio. Pour le studio, il est polyvalent avec les sujets qui bougent beaucoup et pour un photographe qui bouge moins. Ça me permet de réaliser plusieurs cadrages en étant au même endroit. L’extérieur et le studio sont si différents. En studio, le modèle bouge, mais moi peu. Dehors, je bouge tellement, mais le sujet peu.
Dehors, j’irais avec mon 35mm puisque j’aime travailler près de mes clients et parce qu’avec les enfants, c’est plus pratique que le 70-200mm.
Quelle est la chose que tu aimes le plus dans la photo ?
Sarah Tailleur :
Tellement de choses ! D’abord, je suis très entrepreneure dans l’âme.
En fait, je me considère plus entrepreneure qu’artiste. C’est une vision que les puristes aiment moins de mon approche, mais la photographie m’a permis d’acquérir des connaissances marketings uniques. J’aime voir évoluer mon entreprise et toujours l’amener à un autre niveau. Si je n’avais pas une entreprise de photographie, j’aurais probablement une autre entreprise dans un domaine connexe!
Ce sentiment de dépassement me permet de m’accomplir beaucoup. De partir de rien et de voir le chemin effectué. La reconnaissance de mes clients est aussi très importante pour moi. J’adore établir des liens de confiance avec des gens qui au départ ne me connaissaient pas du tout. Je suis plutôt timide à la base, mais quand je suis photographe, je deviens plutôt extravertie. La photographie me permet d’approcher les gens avec audace.
Chose que je ne ferais pas sans un appareil autour du cou. Finalement, la liberté ! La gestion de mon horaire et mon autonomie financière. Je peux voyager, être en congé quand je le veux, mais évidemment, quand vient le temps de travailler, je travaille très fort ! J’adore mon travail.
Quelle est la chose que tu aimes le moins dans la photo ?
Sarah Tailleur :
L’insécurité. Je suis très anxieuse de nature. Être photographe professionnelle à mon compte est donc un défi perpétuel pour moi. Je me questionne énormément, je me remets en doute souvent.
J’ai peur que ça arrête. J’ai peur qu’on cesse d’apprécier mon style. J’ai peur de ne plus pouvoir payer l’épicerie. J’ai peur de devoir me trouver un travail que j’aimerais moins. Bien que je sois à mon compte depuis de nombreuses années et que ça va sincèrement très bien, la peur et l’insécurité me rongent par moment. Je me demande toujours ce que je deviendrai quand ça arrêtera. Comme si ça ne pouvait pas durer. C’est ce que j’aime le moins.
L’instabilité et l’improbabilité de ce domaine. En même temps, ces peurs sont probablement les raisons pour lesquelles j’innove constamment.
As-tu des projets importants en cours ou en prévision dans un futur proche ?
Sarah Tailleur :
Avec deux jeunes enfants (4 ans et 1 an et demi), il faut dire que je suis dans une période où je dois m’obliger à avoir moins de projets. Sinon, j’ai l’habitude d’en prendre trop et me brûler.
Je tiens à rester présente auprès d’eux et bien les « partir » dans cette période si unique de leur vie. J’ai donc un peu moins de projets qu’à l’habitude. Je compte développer un peu plus le corporatif dans les années à venir, puisque la demande augmente de ce côté. Je ne sais pas non plus si j’aurai toujours l’énergie pour courir et attraper des enfants en studio.
Mes projets sont plutôt d’ordre personnel pour une fois. J’aimerais prendre du temps pour moi, voyager avec mes enfants, leur faire découvrir le monde et passer du temps avec mes proches.
Réaliser des séances dans d’autres régions ? Voyager en travaillant ?
La photographie est importante, mais avec les années, je réalise parfois que je photographie le bonheur des autres à en oublier les miens. Alors, mon plus gros projet est simplement de profiter de la vie sous toutes ses facettes !
Si tu ne devais donner qu’un seul conseil à ceux qui se lancent dans la photo et plus particulièrement dans la photo d’enfant ?
Sarah Tailleur :
De se former et de maîtriser leur technique. Un grand nombre de photographes débutent et vendent leur service avant même de savoir ce que veut dire le « M » sur leur appareil photo ou ce qu’est l’ISO.
Il n’y a aucun domaine où on se vend avant d’être bon, pourtant celui de la photo est plein de gens qui, au fond, ne font que posséder un appareil photo. En se proclamant photographe lorsqu’on a un peu ou aucune expérience, les chances de réussir sont définitivement moins bonnes.
On se tire dans le pied en attirant une clientèle d’entrée de gamme et en n’ayant pas l’expérience requise pour satisfaire des clients plus recherchés. L’idée n’est pas de se créer une page Facebook de photographe à la seconde où on s’achète notre premier appareil. Il faut le faire lorsque nous avons quelque chose de différent à offrir sur le marché. Pratiquez. Encore et encore !
Et, pour finir, quelle question aurais-tu aimé que je te pose ?
Sarah Tailleur :
Quelle bonne question ! J’ai définitivement pris du temps pour trouver. Je me suis demandée quelle question donnerait un sens à ce que je fais. Alors, j’irais avec « Étais-tu prédisposée au succès? ».
Je sais que je viens de loin et que ce petit passage pourrait en motiver plus d’un. La réponse est que non, je n’avais aucune prédisposition au succès. Je viens d’un quartier jugé défavorisé.
Mes parents n’étaient pas riches et bien que je les adore (je ne les échangerais pour rien au monde), ils ne sont pas particulièrement scolarisés ou carriéristes.
Si on avait eu à gager de l’argent sur mon avenir, je ne suis pas certaine que quelqu’un aurait pu croire que je me rendrais aussi loin. Je ne connaissais rien à la photographie, je n’ai pas eu d’appareil photo avant mes 19 ans et je n’étais pas studieuse. J’étais une élève distraite et je pouvais passer des cours entiers sans savoir de quoi on parlait tellement j’étais ailleurs. Adolescente, j’étais très tourmentée et explosive. Je croyais sincèrement que je n’avais pas d’avenir puisque je ne comprenais rien aux sciences et aux mathématiques. L’école ne semblait pas exister pour des gens comme moi. Les gens plus émotifs, moins cartésiens, plus audacieux et moins standards…
D’ailleurs, je n’ai pas été acceptée pour mes études en graphisme à la première sélection. J’étais 8e sur une liste d’attente pour entrer dans mon programme puisque mes notes laissaient à désirer. Il a donc fallu que huit personnes se désistent pour que je puisse accéder à mes études. J’ai ensuite entièrement payé mes études supérieures de ma poche.
M’endettant par le fait même. La première de ma famille à obtenir deux diplômes. Lorsque j’ai décidé de me lancer en photographie, c’est mon conjoint qui a acheté mon premier « kit » de flashs puisque la limite de ma carte de crédit étudiante ne me permettait pas de payer autant de choses.
Il a donc financé l’achat de mon matériel et d’un fond de scène en me disant, avec le sourire, que je pourrais le rembourser quand je serais assez populaire. Je lui ai rapidement remboursé et maintenant, ce sont des voyages que je lui paie pour le remercier d’avoir cru en moi. Sa confiance est encore, à ce jour, un élément que je n’oublierai jamais. J’étais aux études, je travaillais et j’étudiais. Je roulais dans une vieille voiture usée ou en autobus.
Je faisais de la photo le soir et le week-end, je travaillais en graphisme le jour et le reste du temps, j’allais à l’université ou je faisais des travaux scolaires. Je travaillais sans cesse, je ne voyais plus mes amis. Quand on y croit, qu’on met tous les efforts et qu’on a du talent, on peut faire des miracles. Je ne vous dirai jamais que c’est facile, ça ne l’était pas et je ne crois pas que ce le soit encore aujourd’hui. Par contre, c’est possible!
Un grand merci à Sarah Tailleur d’avoir pris le temps de répondre à mes quelques questions. Cette interview vous aura permit d’en apprendre plus sur Sarah, sa vision de la photographie et son livre « Être photographe portraitiste ».
N’hésitez pas à partager cette interview pour faire découvrir Sarah à celles et ceux qui ne la connaitraient pas encore. Son travail mérite d’être vu tellement il est inspirant.
Et, si vous connaissez un photographe confirmé ou que vous en êtes vous-même un, vous pouvez me contacter par le biais de mon formulaire pour apparaître dans cette série.
Sarah Tailleur
« Être en contact direct avec mes clients, sans contrainte et où seul mon imagination est la limite.
Voilà ma carrière idéale ! »
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